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Migrations et politiques migratoires en France – évolutions et débats actuels

Karen Akoka Fred Salin

/ 11 Minuten zu lesen

Dans la campagne présidentielle, la migration est un thème central, polémique, et objet d’une surenchère restrictive. Pourtant, en comparaison, la France ne fait plus partie aujourd'hui des principaux pays d'immigration en Europe.

Le 25 mars 2021, des migrants et leurs soutiens ont construit un camp de fortune de migrants sur la place de la République à Paris, en France, à l'occasion d'une "nuit de la solidarité". Plus de 300 sans-abri ont demandé un logement stable et décent. (© picture-alliance, EPA-EFE)

Les chiffres de l’immigration en France varient selon les catégories qu’on choisit de compter (étrangers, immigrés, enfants d’immigrés), les définitions et les producteurs de données qu’on mobilise (la définition de l’immigré de l’Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE – n’est pas la même que celle de l’Institut national de la statistique et des études économiques – Insee), les outils statistiques vers lesquels on se tourne (recensement, ou premiers titres délivrés), les phénomènes qu’on choisit de regarder (flux, stock ou solde migratoire), les populations que l’on intègre ou exclut (étudiants, citoyens de l’UE).

Mobilisés avec ces précautions, ils permettent néanmoins de tracer de grandes tendances et faire quelques comparaisons.

La migration en chiffres

Avec 272 000 entrées en 2019 pour 67 millions d’habitants, le taux d’immigration en France s’établit à 0,4 pour cent, soit deux à trois fois moins que dans des pays comme l’Allemagne, la Suède, la Belgique, l’Autriche et les Pays-Bas, ce qui la place en bas du classement des pays d’Europe occidentale, au même niveau que l’Italie et le Royaume-Uni pour ce qui est du calcul des « flux » .

La France ne se caractérise pas seulement par un flux d’immigration modéré mais par un « stock » c’est-à-dire une présence d’immigrés relativement modeste comparée aux autres grands pays d’Europe occidentale. Avec ses 12,9 pour cent de personnes nées étrangères (foreign-born) (8,7 millions) en 2021, elle se place loin derrière des pays comme la Suède (19,7 pour cent), l’Allemagne (18,2 pour cent), la Belgique (17,9 pour cent) et même en-dessous du niveau des pays d’immigration récente comme l’Espagne (15,2 pour cent) .

(© Eurostat, bpb)

Les débats sur l’immigration en France occultent néanmoins le plus souvent ces réalités en mettant en avant les nombres absolus (peu significatifs en soi) en particulier l’augmentation du nombre des entrées, des premiers titres de séjour délivrés ou des demandeurs d’asile. Or l’augmentation des entrées (211 000 entrées 2010 pour 272 000 en 2019) ou des titres de séjours (193 000 en 2005 et 253 000 en 2018) est toute relative au regard de la population française et maintient la France sous la moyenne à la fois européenne et de l’OCDE.
Quant aux nombres de demandes d’asile, si l’on retient les chiffres relatifs (en proportion de la population) et non absolus, la France passe de la deuxième place en Europe, derrière l’Allemagne, à la onzième. Enfin, si l’on retient les décisions positives aux demandes d’asile, en proportion de sa population elle tombe à la seizième place .

La France fait non seulement partie des pays de l’UE les moins ouverts à l’accueil humanitaire mais également à l’entrée directe des travailleurs quasiment interdite depuis 1974, mis à part une timide ouverture à l’immigration qualifiée en 2006. Cette double fermeture oblige les étrangers à se tourner vers l’immigration familiale et fait de la France le premier pays d’Europe, proportionnellement à sa population, à recourir à ces titres . Or cette voie d’entrée est pour les étrangers l’une des plus difficiles, complexes et surtout longues, les conditions et les délais pour jouir du regroupement familial n’ayant fait que s’allonger au fil des décennies. Et si l’immigration familiale représente aujourd’hui (avec l’immigration étudiante) la première voie d’entrée en France (respectivement 90 000 entrées par an), le regroupement familial (rapprochement de familles d’étrangers extra-communautaires) n’en constitue qu’une part limitée (12 pour cent). Plus de la moitié des admissions au titre de l’immigration familiale est en fait constituée de l’entrée des familles de français .

La France, qui est restée pendant plus d’un demi-siècle, jusque dans les années 1980, le plus « grand » pays d’immigration en Europe, pour des raisons historiques complexes (recours à la main d’œuvre étrangère précoce avec la révolution industrielle, grand empire colonial, regroupement familial dès les années 1970) fait ainsi aujourd’hui partie des pays aux taux d’immigration les plus modestes d’Europe occidentale. Cette configuration historique la place dans une situation bien spécifique : elle conjugue apport migratoire modéré, par rapport aux autres pays d’Europe et proportion d’enfants d’immigrés parmi la plus importante du continent .

Les origines de ces immigrés se sont diversifiées au fil du temps. La France à d’abord, pendant la révolution industrielle, recruté sa main-d'œuvre immigrée dans les pays voisins (Belgique, Italie, Espagne). Elle a s’est massivement ouverte aux Polonais après chacune des guerres mondiales, puis aux Portugais ainsi qu’aux sujets de son empire colonial, le Maghreb puis l’Afrique sub-saharienne. En 2019, 46  pour cent des immigrés sont nés dans un pays du continent africain et 34 pour cent dans un pays européen .

La question de l’immigration a pris depuis deux décennies une telle centralité dans les débats publics que les Français estiment qu’il y deux fois plus d’immigrés dans leur pays que ne le montre la réalité statistique . De même, l’écart entre les connaissances produites par la recherche scientifique et la perception de l’immigration comme « problème », économique, culturelle et démographique, ne fait que se creuser.

Les grandes lignes de la politique migratoire française

Après avoir encouragé le recours à la main d’œuvre immigrée sans discontinuer (années 1930 exceptées) depuis la fin du 19ème siècle, avec des hiérarchies selon les nationalités, la politique française d’immigration est entrée, au milieu des années 1970, et plus encore dans les années 1990, dans un nouveau paradigme encore dominant aujourd’hui : la restriction de l’immigration, celle de travail en particulier et la rhétorique de la "maîtrise des flux migratoires”. Cette tendance n’est pas propre à la France et relativement dominante en Europe, mais rarement aussi scrupuleusement respectée, par les gouvernements de droite comme de gauche , rassemblés dans un « indicible consensus » . Les premiers n’ont cessé de promouvoir des lois toujours plus restrictives (restrictions des conditions du regroupement familial, précarisations des titres de séjour, augmentation des durées de rétention) tandis que les seconds ne les ont défaites qu’à la marge, sans jamais sortir du paradigme de la fermeture ni jouer un véritable rôle de contre-proposition, en dehors des promesses aux périodes électorales. Le sens et la place de l’immigration et de l’intégration dans la société française s’en sont trouvés bouleversés : alors que les titres de séjour étaient pensés comme des instruments d’intégration pour les étrangers, ces derniers doivent désormais faire preuve de leur intégration pour accéder au séjour et à la nationalité. La seconde tendance lourde caractéristique des politiques d’immigration françaises est la mainmise continue, avec une accélération au milieu des années 2000, du ministère de l’Intérieur sur les questions relatives à l’immigration que ce soit l’asile, l’intégration, l’hébergement ou les questions sociales, domaines anciennement dévolus à d’autres ministères (Affaires étrangères, Travail, Affaires sociales).

Les politiques migratoires sous Macron

Les politiques migratoires sous le quinquennat Macron (2017-2022) ont été marquées par la prolongation de la logique restrictive. Le Ministre de l’Intérieur Darmanin déclarait en septembre 2021 à la télévision publique que le faible taux de protection des demandeurs d’asile était, comparé à l’Allemagne, un signe de réussite de sa politique restrictive. La loi « Asile et Immigration », votée en septembre 2018, a multiplié par deux la durée de détention légale des étrangers, autorisé l'enfermement des enfants étrangers, facilité l’expulsion des demandeurs d’asile avant l’aboutissement de leur demande, rendu plus difficile la reconnaissance de minorité, et resserré le contrôle sur la vie des demandeurs d’asile. Il est désormais possible pour l’Etat de contraindre une personne en demande d’asile à vivre dans une région en France sans pour autant proposer d’hébergement. La loi du 20 mars 2018 permettant une bonne application du régime d'asile européen a quant à elle précarisé un peu plus les personnes en procédure Dublin en autorisant leur emprisonnement pendant leur procédure d’asile, et en réduisant les délais de recours. La répression policière des exilés et des associations s’est poursuivie notamment dans les zones frontalières où elle a pris la forme de l’interdiction de distributions de nourriture ou de la destruction des tentes et biens des exilés. Le gouvernement a reconduit une politique de non-assistance, qualifiée parfois de politique du « laisser mourir » , en Méditerranée et dans la Manche en refusant de mettre en place des missions de sauvetage ni même de permettre aux bateaux d’ONG l’accès aux ports français. En réaction à cette politique, l’ex-député du parti présidentiel LREM Sébastien Nadot a dénoncé en octobre 2021 dans son rapport parlementaire sur les migrations , la « maltraitance d’État » à l’égard des exilés, ainsi que l’adhésion d’un large pan de l’appareil d’État, du Ministère de l’Intérieur au Ministère de la Justice, à la théorie xénophobe de l’« appel d’air ». Cette théorie part du principe qu'une politique d'accueil généreuse aurait un effet d'attraction sur d'autres migrants, raison pour laquelle le gouvernement devrait, selon cette théorie, réduire autant que possible les droits des immigrés et maintenir de mauvaises conditions de vie afin de dissuader les étrangers d'entrer dans le pays.

Du côté des étudiants étrangers, le plan « Bienvenue en France » de 2019 a multiplié par dix les frais d’inscription pour les étudiants non-européens, ce qui a évidemment considérablement réduit l'accès des étudiants les plus pauvres aux études en France depuis lors. Enfin, la crise sanitaire a été l’occasion pour les préfectures d’accélérer la dématérialisation des demandes de titres de séjour, c'est-à-dire l’incitation, voire l’obligation des usagers des services publics à effectuer leurs démarches via des interfaces numériques plutôt qu’au contact de personnes à des guichets physiques. L'accès des personnes étrangères à leurs droits s'en est trouvé fortement dégradé.

L’immigration dans la campagne présidentielle

Durant la campagne présidentielle de 2022, l’immigration et les politiques migratoires ont constitué des thèmes centraux, et le cœur des programmes des partis de droite. A gauche, un consensus s’observe sur l'introduction du droit de vote des étrangers aux élections locales, l’augmentation des régularisations et une politique d’asile moins restrictive (droit au travail pour les demandeurs d’asile, augmentation des places d’hébergement). Seuls les partis d’extrême gauche défendent la liberté de circulation et d’installation pour tous. Les programmes de Jadot (écologistes) et Mélenchon (gauche radicale) sont les plus complets sur le sujet, et proposent l’allongement de la durée des titres de séjour, la sortie du système Dublin, ainsi que le retrait de l’asile de la tutelle du ministère de l’Intérieur. Si les écologistes abordent le thème des migrations sous l’angle de la lutte contre les discriminations, le parti de M. Mélenchon réinscrit cette thématique dans une approche d’économie politique internationale, qui défend par exemple la fin des accords économiques et commerciaux inégaux. A droite, le consensus porte sur la restriction de l’accès à l’asile, aux titres de séjour, à la nationalité française, ainsi que sur l’intensification des expulsions. Si les partis d’extrême droite de Mme Le Pen et M. Zemmour promeuvent des mesures xénophobes radicales telles que la fin du droit au regroupement familial, la suppression du droit du sol, ou l’expulsion massive d’étrangers, le parti traditionnel de droite, Les Républicains, participe à cette surenchère sécuritaire, en promouvant la priorité nationale dans de nombreux domaines (emploi, santé, aides sociales), la restriction de l’accès aux soins pour les étrangers, et l’externalisation généralisée de l’asile. Par les politiques menées et par les mesures défendues, comme l’augmentation des expulsions et la restriction de l’accès aux titres de séjour, M. Macron et son parti LREM s’inscrivent dans l’approche sécuritaire de la droite. Le seul consensus ayant émergé ces dernières semaines porte sur l’accueil des réfugiés d’Ukraine, auquel seul s’oppose M. Zemmour.

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est sociologue, maîtresse de conférences en science politique à l’université Paris Nanterre, chercheuse à l'Institut des Sciences Sociales du Politique (ISP) actuellement en délégation au Centre de Recherche Français de Jérusalem (CRFJ) et fellow de l'Institut Convergence Migration (ICM). Ses travaux portent sur les politiques d'asile et d'immigration dans différents contextes nationaux (France, Chypre, Israël). Elle a notamment publié L'asile et l'exil. Une histoire de la distinction réfugiés/migrants, La Découverte, 2020.

est doctorant en sociologie à l'Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (EHESS) et fellow de l'Institut Convergences Migrations. Sa thèse vise à analyser le positionnement des exilé·e·s sur le marché du travail en France et aux Etats-Unis.